Les châteaux du Rouergue occupent des situations fort variées. Certains sont placés sur des mamelons escarpés. On peut penser que leur emplacement a été choisi à cause des facilités de défense.
Beaucoup sont dans les vallées, où la rivière constituait un obstacle pour l’assaillant. La proximité des terres cultivables a pu être déterminante, mais il arrivait que le château occupait un site escarpé, alors que les terres se trouvaient à quelque distance.
Le site de Frayssinet est tout à fait remarquable. A l’ouest, c’est le plateau granitique du Nayrac. A l’est, les ravins impénétrables du bassin de Liaucouze. Le point de vue est grandiose. Il était, en plus, à l’écart de toute voie de communication.
mariage avec Charlotte Christine d’IZARN DE FRAYSSINET, fille de défunt Messire Antoine d’IZARN et de dame Louise de RESSEGUIER, Seigneur de FRAYSSINET, GAILLAC, NAYRAC et autres places, habitant au château de Frayssinet. Le mariage fut célébré par Charles GIROU, curé du Nayrac, en la chapelle domestique du château de Frayssinet, en présence de :
- Haut et puissant Seigneur Pierre Antoine d’IZARN DE FRAYSSINET
- Haut et puissant Seigneur Antoine Jacques IZARN DE FRAYSSINET marquis de Roussile
- Messire Louis, marquis de FONTANGES
- Messire François Baron de CARDAILLAC
- Messire Jacques de SAINT GERIS DE SOYRIS, chevalier, Seigneur des dits lieux : Lascabanes et Esquiras
- Messire Jean-Baptiste de CHAUDESAYGUES de château vieux, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancien capitaine du régiment de Condé
- Messire François Florin de LAVAL
- Messire de ROQUEFEUIL d’AMBER, seigneur d’AMBERT
- Maître Dominique PRAT, prêtre
- Maître Pierre COUDERC, prêtre et vicaire du Nayrac
Un grand mariage au château de Frayssinet
“Avant la Révolution, en ce château les puissants seigneurs des alentours s’y réunirent souvent pour célébrer de grandioses épousailles, telle celle relatée ci-dessous où se trouvaient auprès des seigneurs Rouergats, d’éminentes personnalités seigneuriales d’Auvergne, du Quercy et des alentours…”
15 octobre 1760, Mariage du haut et puissant Seigneur Messire NOBLE FRANÇOIS DE FONTANGES, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancien capitaine au régiment de Conti infanterie, Seigneur de LA DEVEZE-CANTOIN et autres places, fils de feu Messire Antoine DE FONTANGES et de feue dame Juliette DE COUPIAC de la DEVEZE, habitant en son château de LA DEVEZE paroisse de FOULONNES en Quercy .
C’est l’origine de la famille YZARN de FRAYSSINET, qui l’habitait déjà au début du XIIIème siècle et qui devait donner plus tard plusieurs branches, dont celles très connue des de VALADY.
Du château féodal, occupé par les Routiers au quatorzième siècle, il ne reste que des ruines. Il a été remplacé, à la fin du seizième siècle, par un immense bâtiment rectangulaire, de style Renaissance.
La construction de ce second château, faisant suite au précédent, fut commencée le 7 juin 1572, à 8 heures du matin. L’entrepreneur était Jacques FEDOM maçon de Cantoin. Les plans étaient de Jacques SALVAING maître d’œuvre à la cathédrale de Rodez. Le propriétaire Vital de FRAYSSINET était gouverneur de Rodez. Il fut tué au siège de Cornus en 1585.
La maçonnerie est en moellons d’appareil de granite porphyroïde. Les pierres de taille des fenêtres sont en calcaire. La porte d’entrée, aujourd’hui fermée, donnait sur l’immense escalier à paliers, voûté.
Cette porte était renforcée par de fortes pièces de bois engagées dans le mur et formant grille.
La porte de la grande salle au niveau de la cour, donnant dans l’escalier, est surmontée d’armoiries et de l’inscription : Iane de THÉZAN, nom de l’épouse du constructeur.
La même salle renferme une belle cheminée en pierre, à caryatides, qui porte l’inscription : « Qui non laborat, nec manducet » (celui qui ne travaille pas, ne doit pas manger).
Le bâtiment était étroit, sans couloir, l’escalier situé à l’extrémité sud. Le premier étage était l’appartement des maîtres, le second celui des domestiques.
A ce niveau, l’avancement sur mâchicoulis subsiste du côté de la cour. L’ensemble était bien éclairé par de très grandes fenêtres, suivant le style de l’époque.
Les abords ne sont pas moins impressionnants. La cour à l’ouest, parfaitement rectangulaire, est immense. Un grand bâtiment d’exploitation la fermait au nord.
Au sud, le mur de soutènement du jardin et la digue de retenue des eaux sont particulièrement puissants et soignés dans leur construction.
Un second bâtiment, appuyé au premier, avec façade au midi sur le jardin, fut ajouté au XVIIème siècle. Cette construction permit d’aménager des appartements plus petits, plus confortables avec boiseries et peintures.
Ces deux immenses bâtiments contigus, habités, depuis près de deux siècles, par une famille d’exploitants, sont, dans l’ensemble, conservés et constituent de fidèles témoins de la vie durant quatre siècles d’Histoire.
Entre les années 1200 et 1500, la famille YZARN de FRAYSSINET constituait son domaine rural. Les mariages, les échanges, les inféodations étaient les moyens les plus courants. Les Barons d’Estaing, proches voisins, s’appliquaient aux mêmes tâches, d’où les transactions entre les deux familles. La famille YZARN eut en Rouergue moins de tenanciers qu’Estaing, mais son domaine direct était plus important. Au service de l’église, YZARN était dépassé par ESTAING. Mais après une longue préparation, la famille YZARN s’établit en Quercy, et joua un rôle brillant sur le plan national. En Rouergue les de FRAYSSINET eurent des possessions à Valady, à Pruines, aux Vernhettes, à Versols, à Nant, à Laguépie.
La révolution à Frayssinet
Pierre Antoine de FRAYSSINET, avait été membre de l’Assemblée de Haute Guyenne en 1779. Il y fit partie de la commission de la Taille et des vingtièmes et de celle de la Capitation. Son influence dans la noblesse locale était réelle. Il participa à Rodez à l’assemblée, le 16 mars 1789, pour la rédaction des cahiers de doléances. Puis présida la réunion du 24 juillet 1789, tenue pour autoriser le député à accepter le vote par tête et non par ordre.
En 1790, il fut sollicité pur être commissaire du Roy pour le compte du nouveau gouvernement constitutionnel. Il refusa, à cause de sa vue très faible. A la vérité la vie devenait intenable à Frayssinet. Injures et menaces de mort amenèrent le Marquis à préparer son départ. Dès février 1791, il demanda à la municipalité un passeport pour Montpellier. La municipalité fit un certificat, mais refusa le passeport. Le maire était DUBRUEL.
Le 24 juin 1792, Joseph-Antoine GABRIAC, homme de loi d’Estaing, délégué par le directoire du District de Saint-Geniez, se rendit au Nayrac, assisté de Jean-Joseph LAURENS de Puechméja comme secrétaire, pour demander à la municipalité s’il n’y avait pas des émigrés. Les officiers municipaux répondirent qu’ils avaient refusé le passeport à FRAYSSINET, parce qu’il faisait beaucoup de bien au Nayrac, qu’il avait obtenu un passeport du département, qu’il était allé de Montpellier à Grenoble. Interrogés sur l’étendue des biens, ils demandèrent trois jours pour se renseigner (ROMIEU était maire).
En réalité Jean-Antoine FRAYSSINET avait pris des précautions avant de partir. Il avait chargé François SOTHOLIN de Saint-Côme de tous ses biens. PELAPRAT était alors métayer à Frayssinet. Le 27 juin 1792, François SOTHOLIN avait déclaré devant Antoine GABRIAC que FRAYSSINET était à Grenoble, mais non hors du territoire, que la commission était pressée. GABRIAC fit tout de même l’inventaire des meubles et des archives. Le 2 novembre Antoine GABRIAC revint à Frayssinet, remit les archives au citoyen BESTION.
La vente de 1794
Pierre-Antoine de FRAYSSINET avait opté pour l’émigration. En conséquence, ses biens passèrent à la Nation et furent vendus. Ils comprenaient le domaine de Frayssinet, le domaine de Bournès, qui lui faisait suite à l’ouest, le domaine de Gaillac au nord, la maison du Nayrac, au nord de Gaillac le domaine de Moussès. Ces trois exploitations étaient dans la commune du Nayrac.
Dans la commune de Florentin, Pierre-Antoine d’YZARN possédait les domaines de La Bessière, et de Saurin, situés sur la rive droite de l’Amarou, au nord des précédents formant avec eux un ensemble presque continu.
Dans la commune d’Entraygues, il y avait les domaines de La Brousse, de Serpalies et de Courssounous, ce dernier rive droite de la Truyère. Enfin Frayssinet métairie de la commune de Laguiole près du village des Prunhes et la Montagne de Couffinhal, au nord du Roc du Cayla dans la commune d’Alpuech, comprenant quatre vingt herbages ou Estibos, complétaient ces vastes possessions.
Frayssinet fut vendu en douze lots par le district de Saint-Geniez-d’Olt les trois et quatre février 1794. François DOMERGUE d’Estaing et Jean PELAPRAT le fermier, achetèrent l’ensemble des bâtiments et le bois del Claux.
Valentin ROMIEU de La Contarderie et Louis ROMIEU, lieutenant de gendarmerie, prirent quatre lots, Pierre FOURNIER deux lots, Antoine FERRIERES un lot, Valentin TURLAN du Bancarel un lot. Le domaine était gravement morcelé.
Bournès suivait le même sort. Le Camp Grand, neuf hectares, allait à DOMERGUE d’Estaing. La vigne du Malpas d’Estaing à Louis ROMIEU et CAYLA, la maison du Nayrac située près l’ancien cimetière, à Valentin ROMIEU, et quatorze lots à divers acheteurs.
Gaillac fut divisé en huit lots. Mais le premier lot, qui comprenait le château, les bâtiments, et sept parcelles et qui fut acquis par DOMERGUE d’Estaing, constituait plus de la moitié du domaine. Le château était décrit avec une tour à chaque angle.
Moussès, vendu le 24 octobre 1794, comprenait huit lots. Parmi les acquéreurs, il y avait Guillaume VIC de Cassuéjouls, Joachim ENTRAYGUES, Antoine et Baptiste BOSC, Jean LAURENS, Valentin PRAT.
Les autres domaines suivirent le même sort.
GABRIAC, notaire d’Estaing, avait fait l’inventaire du mobilier du château de Frayssinet les 24 et 25 juin 1792. En parcourant la maison, il notait les pièces qu’il visitait : grande et petites caves, cuisine, salon de compagnie, chambre rouge, chambre grise, la salle, chambre basse, chambre de la mère, chambre des servantes, chambre de Madame, chambre des prêtres, chambre de Monsieur, chambre verte, chambre des domestiques au dernier étage, galetas, chapelle, tinayriol et maison du fermier au coin de la cour.
François SOTHOLIN continua à habiter Frayssinet, mais il était alors séquestre et gardien des objets saisis. Il obtint le 3 mars 1793 un certificat de civisme de la municipalité. Le 3 mars 1793 LAUTARD, membre du directoire du district de Saint-Geniez-d’Olt, assisté de BESTION fils et de CASTAGNIÉ père, tapissier d’Espalion, pris comme experts, procédèrent à la vente aux enchères du mobilier. Cette vente dura quatre jours et produisit la somme de 6 846 livres, 7 sols. Tout était clos le 31 mai au soir.
Le procès verbal a conservé la liste des objets les plus importants : parmi les tapisseries, tapisseries d’Aubusson, représentant les quatre saisons, 800 livres ; sept pièces de tapisserie laine, 108 livres ; quatre pièce de tapisserie laine, 81 livres ; une tapisserie laine, 159 livres ; une autre, 46 livres ; une autre, 32 livres ; une autre, 82 livres. Trois lits de valeur : 120 livres, 110 livres, 150 livres ; le bureau de Madame, 20 livres.
Certains objets, utiles à la nation de devaient pas être vendus : on garda pour l’église du Nayrac le mobilier de la chapelle, sauf le calice, et la cloche ; on récupéra 334 kilos de cuivre. De même furent emportés 23 paillasses de lit, 20 traversins, et dix matelas par quatre paires de bœufs. L’inventaire de la chapelle signalait : un autel représentant la naissance de Jésus, surmonté d’un Père éternel en dorure or et argent avec trois statues et un petit Christ d’étain, portraits, prie-dieux, ornements, nappes. LAUTARD dut aussi enregistrer les accusations de ROMIEU et BOURREL qui déclarèrent que SOTHOLIN de Saint-Côme avait fait enlever une partie du mobilier avant la vente, ce qui amena une enquête.
Dans la nuit du 29 au 30, on avait enfoncé une fenêtre du château du côté des écuries et volé quelques objets, en particulier des matelas.
En plus du vol de la nuit du 29 mai, le bruit courut que d’autres éléments du mobilier avaient été transportés à Saint-Côme par François SOTHOLIN. Le 1er juin 1793, ROMIEU maire, BOURREL officier municipal, et Antoine ROMIEU, commissaire de la commune, remirent une dénonciation contre François SOTHOLIN. Il s’agissait de cuivre, matelas, couvertures, linge qui manquaient à l’inventaire et aussi des chaises du salon, d’étain et de bouteilles, en indiquant comme témoins les domestiques qui avaient voituré tout cela à Saint-Côme.
Le district de Saint-Geniez fit faire une enquête le 15 janvier 1794. Le comité d’Estaing délégua ENTRAYGUES et BOYÉ. PELAPRAT, fermier, avait vu charger des matelas et des couvertures, mais DUBRUEL du Droc n’avait vu charger que des denrées de récolte, qui appartenaient à SOTHOLIN.
La vente des cabaux (cheptel) suivit. Le district de Saint-Geniez délégua Valentin ROMIEU, juge de paix du canton, pour cette opération. Pour Frayssinet et Bournès, il y avait un seul fermier Jean PELAPRAT. Ce dernier lui présenta le bétail estimé à son entrée. Il n’y avait pas d’estimation pour le matériel. Tout fut vendu sur la place du Nayrac, soit 3 224 livres pour le bétail et 578 livres pour le cheptel mort.
Malgré toute cette mise en scène, cette vente ne donna pas satisfaction au commissaire. Le fermier PELAPRAT était acheteur pour la somme de 1 300 livres. Il semble bien que dans le cheptel il y avait du bétail qui appartenait au fermier PELAPRAT, et qu’on ne vendait que la partie qu’il avait reçue au moment du bail. En fait, il restait deux paires de bœufs, qui n’avaient pas été présentés à la vente, parce qu’on n’avait pas d’inventaire pour les demander.
Au domaine de Moussès, le bétail était estimé 400 livres en 1732. Il fut vendu 4 976 livres. L’augmentation était importante. Le fermier avait droit à la moitié de l’augmentation. Il y avait donc 2 888 livres pour la nation et 2 488 livres pour le fermier.
XIXème siècle
Pierre-Antoine de FRAYSSINET était mort en Suisse. Son épouse Marie-Anne de MIRANDOL vint habiter Estaing, la maison du docteur SAURY.
Dès son retour de Suisse, la veuve FRAYSSINET tenta de récupérer quelques biens. Il y eut des rectifications de ventes contre soulte. Elle réclama ses droits personnels sur les biens invendus. Elle mourut en 1808. Elle laissait une fille, Louise YZARN de FRAYSSINET, qui épousa en 1811 Joseph COSTE, avocat d’Espalion, fils d’anciens fermiers généraux du comté d’Estaing, d’où Elisabeth COSTES, mariée en 1830 à Gaspard de CABRIERES.
En 1850, Ildefonse de VALADY, de la branche de Nant, tenta de racheter Frayssinet. Il revint à son projet en 1868. Le morcellement alors accentué ne permit pas la réalisation de ce désir.
Après ces évènements, la vie continua à Frayssinet. Tandis que le château de Gaillac a disparu, celui de Frayssinet a été habité, entretenu et conservé. Ces habitants ont continué à s’inspirer de l’inscription de la cheminée du petit salon : « Il te faut bien penser avant qu’entreprendre ».
On a remarqué que François DOMERGUE avait acquis des lots importants à Gaillac, Bournès et Frayssinet. Il pouvait regrouper ces terres dans sa famille. Jean-Baptiste VERDIER d’Entraygues avait épousé en 1791 Françoise DOMERGUE d’Estaing. Ce ménage habitait le château au début du XIXème siècle. On trouve ensuite Jean-Amans VERDIER marié en 1826 avec Françoise MALVEZY, mais il y avait aussi Françoise VERDIER mariée en 1826 à Félix CALMELS de Soulages, et deux autres filles mariées dans les environs.
Cette situation amenait un partage. Félix CALMELS, remarié en 1837 à Marie AYGALENC, avait Bournès et une partie du château, qui fut rachetée par la famille de VALADY.
La famille VERDIER continuait avec Joseph-Amans VERDIER marié en 1861 avec Marie-Jeanne COUDERC, puis Clémentine VERDIER mariée avec Joseph MIQUEL d’Ayrolles, dont les descendants devaient racheter la part du château passée à de VALADY, alors que Bournès allait à la famille TEYSSEDRE.
En un temps où l’on parle de plus en plus de conserver les paysages et les monuments, nous avons tenu à signaler le château de Frayssinet, site privilégié dans ces deux domaines puisqu’il réunit à la nature sauvage les splendeurs de la Renaissance et de l’âge classique.
Extrait de “Estaing, aspects du passé” d’Albert GINISTY éditions Subervie (1975)
Malheureusement, aujourd’hui il n’est pas possible de visiter le château de Frayssinet.